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10 mars 1906 : la tragédie de Courrières - Version imprimable

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10 mars 1906 : la tragédie de Courrières - Andrew - Ven. 10 Mars 2006

Wikipedia a écrit :Le 10 mars 1906 a eu lieu la plus importante catastrophe minière de France (officiellement 1099 morts), dite catastrophe de Courrières du nom de la compagnie minière qui exploitait alors le gisement de charbon du Pas-de-Calais aux alentours de Courrières, à  côté de Lens. La catastrophe provoqua une crise politique et un mouvement social qui déboucha sur l'instauration du repos hebdomadaire.

Plus d'infos et de liens sur:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Catastrophe_de_Courrières


- Superflux - Ven. 10 Mars 2006

tres bons article sur le sité de libé

Cent ans après la catastrophe de Courrières, les descendants des mineurs témoignent

<!-- m --><a class="postlink" href="http://www.liberation.fr/page.php?Article=364610">http://www.liberation.fr/page.php?Article=364610</a><!-- m -->

par Stéphanie MAURICE et Haydée SABERAN
QUOTIDIEN : lundi 06 mars 2006


Tout a sauté. Le 10 mars 1906, à  l'aube, une explosion sous la terre, entre Méricourt, Sallaumines et Billy-Montigny, près de Lens. Dans une mine de charbon, 110 kilomètres de galeries sont comme balayés par le souffle d'un lance-flammes géant. Six cents hommes remontent dans les heures qui suivent, certains défigurés par le feu. Il en reste plus de 1 100 au fond.

Deux jours après, la Compagnie des mines de Courrières décide qu'il n'y a plus de survivants : il faut réparer les dégâts, retourner au charbon. On mure une partie de la mine. Trois semaines après le drame, treize hommes remontent, maigres, à  peine vivants, les yeux éblouis par la lumière, les «rescapés» ou «escapés», comme on dit en patois du Nord. La catastrophe est un drame national très médiatisé, le mot entre dans la langue française. Cinq jours et un quatorzième remonte. Comme les treize autres, il a mangé de l'avoine, du cheval, peut-être du cadavre, bu son urine, et marché dans le noir total sur des kilomètres avant de trouver une sortie. Les mineurs comprennent qu'on aurait pu sauver d'autres hommes. «Ils ont voulu sauver les mines avant nos hommes», hurlent des femmes qui, pour certaines, ont perdu le même jour mari et enfants. La grève fait tache d'huile, 50 000 mineurs arrêtent le travail dans toute la région, Clemenceau fait envoyer la troupe. Les descendants de ces morts, et de ces rescapés, qui sont-ils ? Pharmacien, mineur, femme de mineur, ils racontent.

Pour en savoir plus :
Courrières , la Mine d'enfer, Jean-Claude Poitou, VO éditions.
Le Drame de Courrières, Raymond Schwartzmann,
Allan Sutton Eds.


il y a aussi un diaporama :

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- Superflux - Ven. 10 Mars 2006

QUOTIDIEN : lundi 06 mars 2006

Françoise Martin, 46 ans, animatrice petite enfance. Petite-nièce de Victor Martin, 13 ans lors de la catastrophe, l'un des quatorze rescapés.



"Il devait être mangé. Parce qu'il était le plus jeune des rescapés. Vrai ou pas, c'est ce qui se disait dans la famille. Comme une blague, en tournant l'histoire en dérision, mais en finissant par dire : "Tu te rends compte, si c'était vraiment arrivé..." Déjà , ils avaient mangé des cadavres, ils avaient bu leur urine, et s'ils n'avaient pas réussi à  sortir ce jour-là , ils auraient mangé le galibot (l'apprenti, ndlr). Vrai ou pas ? Plus personne ne peut le dire.

«Ils étaient quatre garçons dans la famille, la mère était veuve. Les deux aînés, 18 et 16 ans, sont décédés pendant la catastrophe. Mon arrière-grand-mère a cru avoir perdu trois fils. Il ne restait plus que mon grand-père, trop jeune pour travailler. Elle en a au moins retrouvé un, qui est revenu, quand même. Mais avec sa joie, il y avait aussi le soulagement : mon grand-oncle pouvait travailler pour la famille, elle n'allait pas être expulsée de sa maison. Il est vite redescendu au fond. C'était quelqu'un qui parlait peu. Mon père se souvient de lui, il a été à  son enterrement, dans les années 47-48. Il n'y avait personne, pas de journalistes, pas d'officiels. à‡a devait déjà  être oublié. Je pense que la compagnie minière a tout fait pour qu'on oublie très vite. Les rescapés se sont murés dans le silence.»


- Superflux - Ven. 10 Mars 2006

QUOTIDIEN : lundi 06 mars 2006

Bertrand Dehay, 54 ans, pharmacien à  Méricourt. Petit-fils de Paul Dehay, qui a survécu à  la catastrophe à  17 ans, avec ses trois frères. Petit-neveu de Louis Lévecque, mort dans la mine à  17 ans.



«ça a pété ici, sous Méricourt. Mon grand-père et ses frères ont entendu un grondement, puis ils ont erré une journée dans la mine avant de trouver une sortie. Ils ont vu les morts, les chevaux morts. Ils ont commencé à  avoir faim et soif. Quand ils sont remontés, ils ont tous vomi du charbon. Mon grand-père racontait que son frère Jules avait dà» se sauver par une fenêtre en pan de chemise quand les treize sont remontés, vingt jours après : il était avec la femme d'un des treize. C'était le truc rigolo.

La mine, c'était un travail d'esclave, disait mon grand-père. Il a vécu vieux, jusque 91 ans ­ j'avais 30 ans. Il travaillait au pic, comme un bagnard, mais il a avalé moins de cochonneries que la génération suivante. La mécanisation, la haveuse, c'était "en veux-tu en voilà " des cochonneries.

«Il n'a pas voulu que son fils devienne mineur, tout mais pas ça. Mon père est devenu instituteur, moi pharmacien, mais l'ascenseur social n'était pas terrible. Mes copains à  moi, dans les corons o๠j'ai grandi, leur avenir était tout tracé à  14 ans. Quand je revenais du lycée, je les voyais jouer au foot après leurs huit heures de mine. à‡a a fermé, ils ont été reclassés, plutôt mal que bien. Dans la région, on a une impression d'abandon. J'ai vu abattre le chevalet, à  cinquante mètres, là . En un quart d'heure, bloum, la mémoire d'une région qu'on bazarde. Je veux bien oublier, mais pas tout. Les terrils, ils sont sous nos yeux. Les morts sont quand même là . Je n'ai pas la nostalgie de la mine, j'ai la nostalgie du bien-être économique. D'une certaine aisance qui n'existe plus. C'était "brut de décoffrage", d'abord un peu rude, mais généreux, et courageux.»


- Superflux - Ven. 10 Mars 2006

Louis Rumeau, 83 ans, instructeur d'aà¯kido, ancien mineur. Neveu de Léon Boursier, rescapé après vingt jours d'errance, et petit-fils d'Auguste Boursier, mort dans le drame avec son fils Louis.



«Ma mère avait trois ans quand son père et mon oncle sont morts. Le père de mon père, qui travaillait dans la même fosse que le père de ma mère, n'était pas allé travailler ce jour-là . Il ne s'était pas réveillé à  l'heure, c'est ce qui l'a sauvé. Voilà  ce que je sais. On n'est pas très expressif dans la famille, on ne parle pas beaucoup du passé. Quand j'étais petit, on laissait parler les adultes et on allait jouer dehors, on ne demandait pas mieux. Léon Boursier, le rescapé, est parti vivre à  Paris. Quand on a vécu des choses pareilles, on s'éloigne de ce travail.



«Je suis descendu à  la mine, à  14 ans, parce que c'était la misère. Le premier jour, je me suis dit : "Je ne resterai pas." Quatre cents mètres au-dessus de ma tête, c'était affreux. Et la mentalité des mineurs ne me plaisait pas. Je les trouvais vulgaires, personnels, des bêtes de somme. La solidarité existait mais en cas d'accident. Un gars était pris dans un éboulement, tout le monde s'y mettait. Sinon, on travaillait en partie à  la tâche. J'ai connu un homme, un "maca" ­ quelqu'un qui en abattait plus que tout le monde ­, il a refusé que je travaille à  côté de lui pour s'approprier la partie que je devais abattre. "Si tu ne t'en vas pas, je te fous mon aiguille dans le ventre." C'était l'aiguille du marteau-piqueur. Je l'ai revu des années plus tard. Il m'a dit : "Tu sais, Louis, si j'avais su, j'aurais fait comme toi. Maintenant, je suis silicosé à  100 %." Il est mort à  la quarantaine. Je suis remonté travailler au jour au bout de dix ans, à  cause d'une sciatique paralysante. Six mois après être remonté, je crachais encore du charbon. J'étais plus faible que les autres, c'est ce qui m'a sauvé.

«J'ai fait de l'aà¯kido parce que je voulais apprendre à  me défendre, dans la vie, sans détruire les autres. Je suis ceinture noire 2e dan. J'ai eu l'occasion de m'en servir. J'aurais aimé faire des études. J'ai appris le français, l'allemand, la mécanique, la soudure, et même l'ordinateur.»


- Superflux - Ven. 10 Mars 2006

QUOTIDIEN : lundi 06 mars 2006

Lucette Dhé, 70 ans, femme au foyer. Petite-fille de Jules-Louis-Joseph Alluin, houilleur, mort à  35 ans dans la catastrophe.



«A quatre ans, mon père, à  la mort du sien, a tout perdu. Il l'adorait. Mon grand-père lui rapportait du pain d'alouette, c'était le reste du pain du casse-croà»te du matin. Le jour de la catastrophe, il est resté au fond. Il a été retrouvé assez vite car il a été enterré le 13 mars. Ma grand-mère est restée dans sa maison, à  Méricourt, avec ses deux fils. Elle était enceinte d'une fille. Elle s'est remariée avec son neveu, dont elle a eu trois enfants. Elle était obligée, sinon elle n'avait pas d'argent. Dans le coron, elles étaient toutes veuves ou remariées. De ça, mon père ne parlait pas. Le 10 mars, c'était sacré : mon père ne faisait rien. Il prenait congé aux mines et à  la maison. Il lisait son journal, il était rêveur, c'était tout. Il travaillait au jour, il était électricien-téléphoniste. Il ne fallait pas lui parler du fond. Le 10 mars, j'irai à  Liévin, je me suis inscrite. Ils veulent faire une scène avec la représentation des 1 099 morts de la catastrophe. Je vais en faire partie. Mon Dieu, ça va être... Mais je rendrai hommage à  mon grand-père.»


- Superflux - Ven. 10 Mars 2006

Lucette Clin, 60 ans, mère au foyer. Petite-fille de César Danglot, rescapé de la catastrophe à  27 ans, après trois semaines d'errance.



«Je l'appelais Pépère. J'étais sa seule petite-fille, il me bichonnait, il a vécu avec nous jusqu'à  sa mort, quand j'avais 20 ans. Chaque année, des journalistes venaient le voir, même un Yougoslave une fois, pour qu'il raconte ses vingt jours sous terre. A la fin, il en avait marre. Il disait comment il avait dà» traîner ses camarades sur ses épaules, tâtonner dans le noir, boire son urine, manger un cheval. à‡a le faisait pleurer. à‡a me peinait de voir un homme aussi fort pleurer. Il avait commencé à  travailler à  11 ans, à  la mort de sa mère. Il avait falsifié ses papiers pour faire croire qu'il en avait 13. Le matin du 10 mars 1906, il avait été "farcé" [il n'avait pas réussi à  se lever pour aller travailler, ndlr]. Une voisine a tapé à  la vitre, il est arrivé juste à  temps pour descendre. Après, elle s'en est voulu de l'avoir réveillé. Quand il est remonté, ma grand-mère était déjà  en noir. Elle a été prévenue par quelqu'un qu'il était vivant, elle a été saisie. Elle ne l'a pas reconnu, noir, amaigri. De sa voix enrouée par les gaz, il lui a dit : "Va me faire un bifteck-frites." Il avait perdu son odorat. Il est retourné travailler ­ il a fait quarante-deux ans de mine, faut le faire ­, mais il s'arrêtait toujours le 10 mars, en souvenir.


«Pour le cinquantenaire, j'avais 10 ans. On est allé à  pied à  la fosse 3, j'avais un manteau neuf. Il y a eu une cérémonie sur un podium, une messe avec trois évêques et le préfet l'a décoré. Il n'a pas demandé la Légion d'honneur, il n'a fait que ce qu'il avait à  faire. Un ingénieur à  la retraite est venu de Paris dans une grande DS noire, avec son chauffeur avec la casquette, pour lui serrer la main. A son enterrement, il neigeait. Il y avait des kilomètres de gens. Quand ils ont abattu le chevalet de la fosse 3, maman a pleuré la première. Je ne pensais pas qu'ils le feraient. Tous ces chevalets autour de nous, on les voyait tout le temps tourner quand on pendait son linge. à‡a faisait émouvant, c'était le gagne-pain. Moi, je n'ai pas travaillé, à  part quatre mois dans un hôpital. à‡a ne se faisait pas trop, mon mari était maçon, on se contentait de peu. Aujourd'hui, ma fille a 35 ans, elle est intérimaire dans une usine de potages et de purée. Elle a son bac de secrétaire, pourtant, elle n'a rien trouvé d'autre.»


- legionnaire - Ven. 10 Mars 2006

Et apres, il y en a qui braillent apres l'esclavage dans les colonies.
Les francais de metropole etaient bien esclaves des mines et autres. Ils avaient certes certaines libertes, mais etaient payes une misere. Pas de quoi vraiment profiter de leur liberte, comme on l'entend maintenant.
Il ne faudrait pas oublier ces realites de l'epoque, quand on parle de la colonisation et de l'esclavage.

Abandonner les recherches au bout de 2 jours. On le voit, deja a l'epoque, c'etait la course au fric. Il n'y a que ca qui interesse ces gens qui dirigent.


Re: 10 mars 1906 : la tragédie de Courrières - Roxanne - Ven. 10 Mars 2006

Wikipedia a écrit :Le 10 mars 1906 a eu lieu la plus importante catastrophe minière de France (officiellement 1099 morts), dite catastrophe de Courrières du nom de la compagnie minière qui exploitait alors le gisement de charbon du Pas-de-Calais aux alentours de Courrières, à  côté de Lens. La catastrophe provoqua une crise politique et un mouvement social qui déboucha sur l'instauration du repos hebdomadaire.

Faut savoir que le repos hebdomadaire était déjà  une réalité, donc l'instaurer par une loi était un peu inutile, et d'autre part, que ça a été fait à  quelques semaines des éléctions législatives. Donc Courrières, dans tout ça, ça n'a pas servi à  grand chose.