Après le béton hyper résistant du viaduc de Millau, le béton auto-nettoyant
PARIS (AFP),
le 17-12-2004
Le béton, qui vient d'atteindre des hauteurs record au viaduc de Millau grâce aux progrès réalisés dans la résistance de ce matériau, deviendra à terme auto-nettoyant, et même dépolluant.
Ce matériau a trouvé sa consécration cette semaine avec l'inauguration du viaduc de Millau : une masse de 205.000 tonnes de béton, assemblage de ciment, d'eau et de granulats (sable, cailloux) renforcé par des ferrailles, forme notamment les sept pylônes de l'ouvrage, dont le plus haut du monde avec 343 m.
Cette réalisation, a précisé à l'AFP un chercheur du CNRS à l'Université Paris 6, Henri Van Damme, a été rendue possible par l'utilisation d'un béton faisant appel aux plus récentes découvertes : "Il a été enrichi en particules très fines pour diminuer la porosité" et les molécules utilisées pour garder sa viscosité étaient des "super-plastifiants de 3e génération".
La porosité, rappelle-t-il, est "le point faible" du béton. Plus le diamètre des grains de sable, des cailloux, est important, plus il y a de vide entre eux et plus le matériau est poreux, comme dans un sac de billes. Or c'est la porosité qui fait du béton un matériau qui "se fait attaquer, qui vieillit".
Déjà , avec l'ajout de particules très fines, le béton haute performance du viaduc de Millau est quatre fois plus résistant que ceux utilisés de manière classique dans les murs des bâtiments. L'ouvrage est garanti 120 ans, et durera en fait beaucoup plus longtemps.
Mais les chercheurs visent à faire encore mieux, et connaissent déjà la technique pour fabriquer des bétons deux fois et demie plus résistants que celui de Millau, le béton ultra haute performance (BUHP). Déjà essayé sur des passerelles piétonnières - 120 m d'une seule portée à Séoul -, il pourrait à terme remplacer les tabliers en métal des ponts routiers.
Utilisé pour la construction, ce BUHP permettrait de réduire nettement l'assise au sol des bâtiments. Mais les murs seraient tellement fins que ce serait peut-être "psychologiquement inacceptable" pour les résidents potentiels, reconnaît M. Van Damme en soulignant par ailleurs que les perceuses n'en viendraient pas à bout.
Le béton, a-t-il poursuivi, va également évoluer "vers le beau" en devenant auto-nettoyant, et même dépolluant.
A terme, explique Henri Van Damme, des semi-conducteurs - de l'oxyde de titane - pourront être incorporés dans la partie superficielle de la couche de béton. L'action de la lumière solaire produira alors des transferts d'électrons, qui "décomposeront les salissures" et les surfaces des murs se nettoieront d'elles-mêmes.
Mais ces semi-conducteurs ont une autre propriété : ils décomposent les oxydes d'azote produits par les voitures, les composés organiques volatils et l'ozone de l'air pollué de nos villes.
Pour lutter contre ce type de pollution, le béton des nouveaux bâtiments pourrait donc en comporter. A terme, souligne M. Van Damme, les rues et les routes pourraient même être recouvertes d'une couche alliant bitume et béton ayant reçu le même traitement.
En ce qui concerne les oxydes d'azote, précise-t-il, l'action de ces semi-conducteurs les réduit de moitié, "les décomposant en oxygène et en azote, deux éléments de l'air".
Si le viaduc de Millau, unanimement salué pour son esthétique, fait oublier l'image de laideur attachée au béton, l'efficacité de ce matériau contre les gaz à effet de serre pourraient donc à terme lui donner de nouvelles lettres de noblesse, dans la lutte contre la pollution.