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Reportage sur le grand émissaire aujourd'hui sur La Provence ...

Plongée dans les égouts de Marseille

Publié le dimanche 20 février 2011 à  10H53

Voyage six mètres sous terre dans le grand émissaire, colonne vertébrale de la collecte des eaux usées et pluviales
Visite des égoà»ts de Marseille avec les agents de la SERAM (Société d'Exploitation du Réseau d'Assainissement de Marseille)

Arnachés de la tête aux pieds, les agents ne lâchent jamais la main courante qui longe le canal souterrain.



Photo Patrick Nosetto

On n'y pense pas et pourtant... sans eux, la vie pourrait vite devenir un enfer. à€ 7 heures du matin, lorsque vous prenez votre douche dans des effluves parfumées, ils sont là , sous terre, à  veiller au grain pour que ce rituel puisse se répéter chaque jour sans jamais poser de problème. Ils, ce sont les dix égoutiers de la Seram (Société d'exploitation du réseau d'assainissement de Marseille) en charge de la surveillance et de l'entretien du grand émissaire de Marseille.

Construit en 1899 après la menace d'une épidémie de choléra et long de 12 kilomètres, c'est la colonne vertébrale de la collecte des eaux usées et pluviales de la ville. Il dessert le centre historique, soit environ 1700 hectares, et s'étend du quartier nord d'Arenc jusqu'à  la calanque de Cortiou au sud, en passant par le cours Belsunce, la rue de Rome, l'avenue du Prado et le boulevard Michelet.

"C'est le 5 étoiles des égouts de Marseille, tout confort", sourit Stéphane Auran, chef de service du canal souterrain depuis 8 ans. En clair, être affecté à  la maintenance du grand émissaire est un peu vécu comme une promotion. Parce que là  o๠des égoutiers travaillent pliés en deux, de l'eau jusqu'aux cuisses, dans des collecteurs d'eaux d'1,30 m de haut -en dessous d'1,20 m, ce sont des véhicules hydrocureurs en surface qui prennent le relais-, d'Arenc à  la station d'épuration flambant neuve enterrée sous l'esplanade du stade Vélodrome, on reste droit dans ses bottes (l'ouvrage fait plus de 4 mètres de haut sur toute sa longueur).

Et au sec grâce aux deux étroits chemins latéraux de 50 centimètres de large qui bordent le flot d'effluents pollués. Qu'on ne s'y trompe pas, ce ne sont pas non plus les égouts du paradis. Le travail y est dur et commence tôt. à€ 6heures très précisément pour les deux équipes en poste à  Arenc et dans le centre-ville, place de Rome. Une trappe déverrouillée en pleine rue -vous marchez dessus sans même y prêter attention- s'ouvre sur un escalier métallique qui permet l'accès au local des agents.

Le rituel est immuable et les consignes de sécurité drastiques. D'abord, on s'équipe : combinaison, bottes, casque, gants en caoutchouc, gilet de sauvetage, détecteur de gaz, (le H2S, réputé pour sa désagréable odeur d'oeuf pourri, le monoxyde de carbone, le méthane), liaison radio et masque à  oxygène. Trois hommes descendent dans les profondeurs, le quatrième reste au poste, en veille.

"à‡a, c'est seulement par temps sec, précise Xavier Davrainville, responsable d'activité. Le moindre épisode pluvieux en vue et la station météo de la Seram, installée au PC de commandement dans le 8e , prévient par radio. On remonte aussitôt et on reste en surface pour nettoyer les avaloirs." Le reste du temps, les équipes ont de quoi s'occuper : au menu, inspection détaillée et curage de l'émissaire à  bord de quatre bateaux-vannes.

Activés par l'énergie hydraulique, ils raclent les effluents et poussent sable et dépôts organiques vers la station d'épuration. Un système immuable depuis la fin du XIXe siècle sur des bateaux figés dans le temps, qui avancent au rythme de 50 mètres par jour. Sous terre, la cohabitation des technologies les plus modernes et des méthodes traditionnelles fait des petits miracles.

"Une des questions qu'on nous pose le plus souvent est de savoir si on trouve des crocodiles dans les égouts de Marseille", s'amuse un agent. Non, point de reptiles mutants dans les entrailles de la ville. Pas de rats non plus d'ailleurs, ou très peu. Mais des milliers de sacs en plastique, de canettes, de boîtes de hamburger, des câbles, des carcasses de vélos et même des brouettes. Si les avaloirs pouvaient parler...
Caroline RICHARD