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Jean Cocteau : La vitrine d'un créateur
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Installations, extraits de films et vitrine géante pour rendre compte de l'oeuvre protéiforme d'un artiste "multimédia".


Derniers jours d'aoà»t, J moins 25 pour l'ouverture de la rétrospective consacrée à  Jean Cocteau par le centre Georges-Pompidou. Dominique Paà¯ni, commissaire de l'exposition, nous invite à  le suivre dans les salles en préparation pour que « nous rêvions ensemble » ce que sera l'événement. Selon lui, à  travers 900 pièces - dont 32 installations audiovisuelles mêlant extraits de films et archives -, la manifestation cherche, entre autres, à  répondre à  une interrogation : comment, dans un musée, donner à  voir ce qui par essence ne peut être figé, l'image si mouvante, par exemple, du cinéma de Cocteau ?

« Avec le musée des frères Lumière, à  Lyon, et l'expo Hitchcock, j'avais déjà  tenté de répondre à  cette question, mais Cocteau posait encore d'autres problèmes de mise en scène à  cause de sa pluridisciplinarité... » Le plus facile à  montrer, c'est bien sà»r la peinture, mais, Dominique Paà¯ni en convient, Cocteau n'y a jamais fait oeuvre. La couleur n'est pas son élément. Il est l'homme de la ligne, celle, sans discontinuité, qui relie la graphie et le dessin, et réciproquement. Or rien de plus difficile que de montrer le délié de cette ligne aux dimensions confidentielles et qui appelle la mise sous vitrine des dessins et manuscrits concernés... Comment, aussi, donner la dimension enchantée de ses films et pièces de théâtre, restituer simultanément Cocteau dans toutes ses facettes créatrices, et rendre compte, enfin, de l'idée même de mouvement, qui est son moteur ?

« C'est là  qu'intervient Nathalie Crinière, la scénographe. Elle a eu l'idée de construire une vitrine de 300 mètres de long en verre et métal qui se déroule à  travers les 2 000 mètres carrés de l'exposition. Elle traverse les murs, s'abaisse parfois pour devenir siège, se poursuit à  des hauteurs différentes pour figurer les strates de la mémoire, puis repart vers la sortie oà¹, par un jeu de miroir, le visiteur se retrouve devant l'entrée, invitation implicite à  refaire le parcours, en boucle. » Manière éloquente de montrer aussi que, chez Cocteau, toute fin est un commencement, un éternel retour.

L'invention de cette vitrine géante, la multiplication des points de projection - des images animées, des montages de photos et de séquences de films -, l'inclusion, au coeur de l'expo, d'une salle de cinéma o๠six films de Cocteau seront projetés et le découpage en sept salles thématiques, tout ceci entraîne le visiteur dans une plongée envoà»tante. « J'ai d'abord eu l'idée des sept entrées : Poésies, Parades, Coà¯ncidences, L'homme invisible, Cocteau s'évade, L'homme qui se retourne et Cocteaugraphies. Elles ont conditionné le reste. J'ai voulu donner à  voir un Cocteau différent de sa légende, et surtout différent de celui que le surréalisme, André Breton en particulier, a, par jalousie, inventé pour le détruire. Cocteau est l'homme de la vitesse, des multiples, et sa modernité, que les cinéastes de la Nouvelle Vague ont éprouvée très tôt, est évidente. Il y a chez lui cette recherche d'un dégraissage narratif que l'on retrouve chez Godard ou Truffaut. Et ce n'est pas un hasard si Andy Warhol s'est senti si proche de lui. »

Environ soixante-dix pour cent des oeuvres exposées, qui appartiennent toutes à  des collectionneurs privés - pas de Cocteau acheté par les musées publics ! -, n'ont jamais été montrées jusqu'à  ce jour. Merveille, notamment, d'une série de dessins érotiques homo et hétérosexuels, d'une suite de soixante-deux dessins inédits d'Opium... « Il était temps de faire cesser l'injuste purgatoire dont souffre Cocteau. Oui, il a fait des erreurs : son goà»t des beaux garçons allemands représentés par Arno Breker, sculpteur du Fà¼hrer, et sa peur que Jean Marais ne soit inquiété par la Gestapo l'ont conduit à  des amitiés douteuses. La politique n'était pas son domaine, mais il n'est jamais allé loin dans ses compromissions, moins loin que bon nombre d'artistes qui ont soutenu des tyrans en URSS et ailleurs en toute impunité. Non, Cocteau n'est pas, non plus, un touche-à -tout, mais un créateur qui habite pleinement différentes formes de création. Certaines oeuvres, dont les fameux profils d'Orphée, sont des chefs-d'oeuvre, mais nous n'en montrons aucune... Il y en a tant d'autres à  découvrir ! Et l'expo se termine par les oeuvres de jeunes artistes dont Cocteau est la référence : la plus jeune d'entre eux, Alice Andersen, a 23 ans. »



Michèle Gazier

Exposition :
jusqu'au 5 janvier au centre Georges-Pompidou, tous les jours sauf le mardi de 11h à  21h, nocturne le jeudi jusqu'à  23h. Tél. : 01-44-78-12-33


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