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Par Anne-Marie FEVRE - mercredi 02 octobre 2002

Le premier festival parisien Art et Squats (Libération du 14 septembre) est terminé, mais la bataille pour la reconnaissance de ces lieux n'est pas gagnée. Pendant trois semaines, les collectifs ont redoublé d'initiative avec le concours du Palais de Tokyo. Mais cette manifestation a aussi exacerbé les discussions entre activistes sur le devenir de la mouvance. Lors du dernier débat organisé au Palais, «Quel avenir pour les squats d'artistes ?», planait le projet de loi Sarkozy dévoilé le jour même dans la presse : le délit «d'installation dans un bien immobilier d'autrui» pourrait être pénalisé de six mois d'emprisonnement et 3 000 euros d'amende. Les squatters, qui s'attendent pour certains à  des expulsions imminentes, ont bien compris qu'ils étaient, au côté des sans-logis et des prostituées, comptabilisés parmi la «classe dangereuse». Le débat tourna donc à  la fustigation d'un Paris riche, pourtant doté de nombreux bâtiments inoccupés, capitale aux loyers impraticables pour des artistes (étudiants ou au RMI).
Au coeur de la mêlée. A la tribune, les artistes Pierre Manguin, de Baltazzart, et Gaspard Delanoà«, de Rivoli, ont eu du mal à  rappeler leurs objectifs respectifs. «Cela fait vingt ans que ces squats existent à  Paris, que des artistes bravent l'interdit afin de travailler collectivement. Le combat va être encore plus difficile ! Faudra-t-il encore vingt ans pour trouver une forme de légalité, pour établir des conventions de baux précaires avec les propriétaires ?» lance Manguin. Delanoà« explique le rachat du bâtiment du squat Rivoli par la Mairie de Paris, depuis mai 2002, tout en regrettant la lenteur du processus, en cours, pour pérenniser le lieu ­ «nous restons vigilants, mais c'est un pas hors de la précarité.» Marcel, de la Maison de la plage, informe que ce collectif a trouvé un arrangement avec le propriétaire de la friche.
Les politiques, peu nombreux dans ce capharnaà¼m, étaient attendus au coeur de la mêlée. Représentant la Délégation aux arts plastiques, Chantal Cusin-Berche s'est effacée pendant qu'Aillagon se décentralisait à  Toulouse. Du coup, Rémy Bovis, chargé du dossier des squats à  la Mairie de Paris, fut particulièrement sollicité, sur l'air «Vous ne faites rien ! C'est no future pour nous ! La mairie servira-t-elle de contre-pouvoir ?...»
Au bout de deux heures d'impossible dialogue, et après que quelques squatters se furent dévêtus pour appeler à  une manif «Tous à  poil sur les Champs-Elysées» contre le projet de loi Sarkozy, Bovis a tenté de répondre. «La question des squats s'intègre dans la politique culturelle que nous menons depuis un an à  Paris. Il y a les artistes qui attendent des lieux, mais aussi beaucoup de demandes de logements, de crèches... Nous préparons une réforme sur l'attribution des ateliers d'artiste. L'audit sur les propriétés foncières de Paris va s'achever... Nous avons fait ajourner certaines expulsions, comme à  BoliveArt, mais face à  la préfecture, si nous ne sommes pas propriétaires, nous ne pouvons rien. En même temps, Alternation est toujours en place, les artistes de Blanche sont provisoirement relogés et nous sommes en concertation avec Rivoli. Nous allons créer de nouveaux espaces, dans le XIIIe, dans le XIXe. Mais nous ne tiendrons pas seuls, et s'il n'y a pas de dialogue avec les collectifs, comment donner une forme juridique à  un projet ?»
A organiser. Après coup et tout en déplorant l'éventuelle «criminalisation des squats» par Sarkozy, le délégué aux arts plastiques Guy Ansellem rappelle que le ministère de la Culture «a soutenu le festival des squats, que cette manifestation est positive car elle permet d'inventorier ce mouvement contemporain. Il entend s'associer au Palais de Tokyo pour publier les archives, la mémoire des squats.» Mais le ministère attend aussi «des interlocuteurs, une structuration du mouvement et la création d'associations». Les artistes qui souhaitent suivre cette démarche sauront-ils s'organiser, afin de discuter une place collective et «contractuelle» dans les quartiers de Paris ? Comme un appel à  la tolérance, la galeriste Annie Stansal et l'artiste Luis Pasina ont organisé un banquet, rue de Montmorency (IIIe). Sur les nappes, un collage de textes : Pascal, saint Augustin, Descartes... qui ont été entonnés par les convives, entre patates chaudes et vin rouge, comme un cadavre exquis de bonnes paroles.


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