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Les cataphiles font carrière
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Que ce soit pour jouer ou pour découvrir une gargouille, 8000 personnes s'aventurent chaque année dans les catacombes de Paris. Clandestinement.

PRàˆS DE 8000 amateurs clandestins s'aventurent chaque année dans les carrières souterraines de Paris, malgré leur interdiction au public et la fermeture systématique des accès depuis 1980.

Les amoureux des carrières et des catacombes, ou « cataphiles », qui bravent un arrêté préfectoral de 1955 interdisant la circulation dans les galeries, explorent une bonne partie des quelque 250 km de sous-sols o๠ils laissent libre cours à  leur goà»t de l'insolite et à  leur intérêt pour un patrimoine méconnu. Leur présence est tolérée par les policiers de l'équipe de recherches et d'intervention en carrières (ERIC) de la 2è division de la police judiciaire parisienne. Les policiers ont d'ailleurs établi un « portrait robot»: le cataphile type est jeune (68 % ont moins de 25 ans), masculin (16 % de femmes seulement), étudiant (41%) et descend essentiellement le week-end. « Sous la capitale, on vit un authentique voyage dans le temps et l'espace. On est plongé dans le noir et le silence, c'est un retour à  une joie primitive », explique un cadre d'une quarantaine d'années. « Dans le noir, on se libère, on peut laisser libre cours à  notre fantaisie », renchérit un jeune chercheur au CNRS.

L'IMAGINATION AU POUVOIR

Obéissant à  des rites, comme l'utilisation de pseudonymes aussi bizarres que « Claustrophile » ou « Pétroleum », et appartenant pour beaucoup à  des cercles ludiques, les cataphiles mettent volontiers l'imagination au pouvoir. Certains descendent pour faire la fête ou jouer des percussions, d'autres, tailleurs de pierre ou peintres muraux, pour exercer leurs talents. Parmi les curiosités les plus appréciées, une gargouille et une tête de bouc sculptées dans un style gothique sous le 14è arrondissement, la « méduse », une concrétion naturelle sous le parc Montsouris, les petits hommes blancs du peintre Jérôme Mesnager ou des fresques murales, fantasmagoriques et bigarrées. D'autres aiment à  se retrouver dans des salles chargées de plus de deux siècles d'histoire : la tombe de Philibert Aspairt qui s'est perdu une nuit de 1793 dans les souterrains de la capitale, l'abri des FFI sous le lion de Denfert-Rochereau ou la salle du « trou de la reine », le cabinet d'aisance d'Anne d'Autriche qui débouche à  quelques dizaines de mètres sous le Val-de-Grâce. Le « tractage » compte parmi les activités favorites des cataphiles. Le jeu consiste à  rédiger des textes sous la forme de tracts et à  les dissimuler dans les recoins sombres des galeries. Influencés par la bande dessinée, volontiers fantastiques, parfois poétiques, les tracts servent d'instrument de communication entre leurs auteurs, mais aussi de tribune pour se faire reconnaître et accéder ainsi au rang de « catastar». Cible favorite des tracts, le commandant Jean-Claude Saratte de l'ERIC est chargé de la sécurité publique et de la surveillance des entrailles de Paris. Il travaille en collaboration avec l'inspection générale des carrières (IGC) qui gère les lieux depuis 1977 et veille à  la sécurité et à  la consolidation de l'édifice.

QUELQUES RISQUES

Le commandant se définit volontiers comme « le père Fouettard » des galeries. « Je fais de la prévention plutôt que de la répression. Mon équipe vit en bonne intelligence avec les cataphiles, mais il n'y a pas d'ambiguà¯té. On est là  pour éviter tout dérapage et verbaliser les récidivistes », précise-t-il. En effet, les carrières, à  la différence de l'ossuaire amenagé sous la place Denfert-Rochereau (le musée des Catacombes), recèlent plusieurs dangers à  l'origine de leur interdiction. Outre les agressions potentielles, le risque de contracter la leptospirose, une maladie transmise par les rats pouvant être mortelle, et le danger d'effondrement, les mauvaises chutes constituent le principal type d'accidents. « Mis à  part quelques énergumènes qui s'amusent avec des fumigènes pour ajouter au mystère, les cataphiles ne sont pas bien méchants. Ils s'imaginent qu'ils vont découvrir un trésor », ironise Jean-Claude Saratte, avant de préciser que la présence d'excités néo-nazis ou satanistes tient plus du fantasme que de la réalité.

Des carrières souterraines normalement interdites d'accès.

(AFP)
14/09/97
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